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Le fil
28 septembre 2007

D'où l'on vient

Le plus ancien de la famille est mort, le premier jour de l'automne. Il venait d'avoir 94 ans.

Je vais vous conter l’histoire d’un homme. Il s’appelle Pierre Pignard. Les principaux évènements de sa vie, il les a rassemblés sur une feuille de bloc-notes à la demande de sa fille il y a quelques années. Je vais donc vous raconter sa vie telle que lui-même l’a présentée alors, bien souvent en vous citant ses propres mots.

Pierre est né le 20 septembre 1913 à Poncins, dans la Loire. Ses parents y avaient une petite ferme. Cette ferme, c’était « 10 vaches, 20 poules et un cheval », comme il la décrit.

Il était fils unique. Son père est parti à la guerre en 1914, quand Pierre avait à peine un an, et quand il en revient quatre ans plus tard, en 1918, Pierre ne le reconnait pas. Il pleure longtemps car il ne comprend pas qui est cet homme qui vient habiter à la maison.

Il va à l’école à Poncins puis à Feurs. Comme récompense de son certificat d’études à 12 ans, il reçoit un vélo. Catéchisme, première communion à Poncins à 11 ans, renouvelée à 12.

Il travaille à la ferme avec ses parents puis, quand il a 20 ans, il se rend à Boën pour le conseil de révision. « Régiment à Belfort : 35ème d’infanterie, caporal. Travaux en Alsace pour installer une ligne téléphonique souterraine le long du Rhin. Agent de liaison. »

De retour du service militaire, il travaille dans les cycles à Feurs, puis à St-Etienne chez Besset. Il monte des vélos, des « bleuet noirs ».

Il obtient son permis de conduire en 1938 et achète sa première voiture, une Citroën traction avant, « une affaire à cette époque », inscrit-il dans ses notes.

Survient la mobilisation générale. Pierre part le 1er septembre 1939. Il fait partie du 98eme régiment d’infanterie à Guéret. « Montée en ligne le 15 septembre 39 à Sarreguemines, Forbach, Merlebach, Moselle, zone évacuée. Ligne Maginot coté France, ligne Siegfried coté Allemagne. Avant posté octobre, novembre, décembre.
Février, mars, avril. Repli début mai 40.

Je suis fait prisonnier à Charmes en Moselle avec mon régiment le 20 juin 1940. Restés 8 jours à Dieuze, Lunéville. Embarqués en wagons à bestiaux pour un voyage de deux jours, jusqu’à Sagan en Haute Silésie (Pologne actuelle). Dans le camp de prisonniers Stalag VIII C.
Matricule K.G.52626.

La faim, les poux. On nous a passé à la chambre à gaz pour les détruire. Travaux, envoyés en commando pour travailler en Sudetlande, (dans la région des Sudètes située en République tchèque aujourd’hui). J’ai travaillé un an chez un paysan, ensuite quatre ans en usines d’aviation Messerschmitt. Trois endroits différents. Stalag VIII B à Teschen. Pleurésie, 40 de fièvre, un  mois d’hôpital en 1942.

Libéré par les Russes le 12 juin 1945, je suis passé en douce chez les Américains la nuit du 24 juin 45. Rentré en France le 27 juin 45, à Poncins le 28 juin 45 au soir, enfin libre… »

Pierre se marie le 6 octobre 45 à Poncins avec Hélène Garet. Ils s’étaient fiancés avant la guerre. Il travaille à St-Etienne chez Tardy Mécanique générale, puis reprend en octobre 46 un bar-épicerie au 2 rue Pierre Sémard. A partir de 1951, il tient une fromagerie-épicerie fine-primeur, connue sous le nom de «Toumeilleur », au 2 rue Jules Ledin.

En 1963, Hélène sa femme décède le 9 novembre d’un cancer. Il vend son magasin en janvier 66 pour aller habiter au 22 rue Jean Allemane.

Ses notes s’arrêtent là. Il pensait certainement que la suite, ses enfants, Josiane et Gérard, seraient capables de s’en souvenir.

Cet homme, c’est celui qui nous rassemble aujourd’hui, et cet homme, c’est mon grand-père.

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Commentaires
B
Simples et émouvants souvenirs.<br /> <br /> Bon courage.
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